Cas pratique : la Joint-Venture Sociale Terre et Mer

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Le 20 juin 2019, Claudine et Antoine de SocialCOBizz, accompagnés de Frédéric, Amel et Fabien du groupe Ares, sont allés à la rencontre des fondateurs de la JVS Terre et Mer à la Criée du Grau d’Agde, Aurélie Dessein et Bertrand Munich, ainsi que de son responsable du développement Gilles Marco. Une très belle rencontre de partage de pratiques ! Comme pour de précédents articles, nous vous restituons ici quelques éléments clefs de la JVS.

Le contexte de création de la JVS

En 2012, la Criée de Grau d’Agde fait un état des lieux de ses activités. Plusieurs enjeux sont identifiés et des projets possibles sont proposés pour les surmonter. Il avait alors été remarqué que certaines espèces de poisson étaient mal valorisées, mais aussi que les importantes affluences ponctuelles pouvaient être mal gérées, pouvant aller jusqu’à l’impossibilité d’en vendre certaines. En outre, la gestion des déchets de type carcasse était jugée insatisfaisante. Or il est difficilement concevable de ne pas vendre des produits issus de la mer, fruit d’un travail important, et d’excellente qualité. C’est à ce moment que l’intérêt d’un atelier de transformation sur site a été identifié.

Grâce au travail réalisé par une stagiaire au département de l’Hérault en 2016, un projet de commercialisation de paniers de la mer a été soumis à Aurélie Dessein, Directrice de la Criée du Grau d’Agde. A cette occasion, la Criée a été mise en relation avec l’établissement Croix Rouge Insertion – Capdife, en la personne de Bertrand Munich, son directeur. C’était à l’articulation des années 2016 et 2017 ; s’en est suivi un important travail d’étude d’opportunité et de faisabilité, permettant aussi de construire peu à peu la relation entre Croix Rouge insertion et la Criée. Et c’est fin 2018/début 2019 que le projet a commencé à voir concrètement le jour !

Les associés et la structure

La Criée du Grau d’Agde est la 3ème plus importante sur les 4 du littoral méditerranéen (il y en a 38 en France). C’est une Société Anonyme d’Economie Mixte Locale (SAEML) détenue à 49% par les pécheurs et 51% par la ville d’Agde. Afin de permettre aux pêcheurs de bénéficier de bonnes conditions de travail, aux acheteurs d’un système efficient, tout en sensibilisant le grand public, la Criée s’est engagée depuis 2012 dans tout un ensemble d’investissements, totalisant près de 14 millions d’euros jusqu’en 2016. Le quai principal a été étendu, une nouvelle plateforme de stockage de matériel mise en place, l’automatisation des enchères initiée ce qui permet de gagner en efficience. La ville d’Agde souligne également que « côté logistique, afin d’éviter “les bouchons”, l’espace de conditionnement [a été] agrandi afin que la vente de “bac à bac” puisse passer d’environ 650 à 900 bacs à l’heure. » En outre, les mareyeurs (grossistes) ont été « fidélisés [grâce à] plusieurs espaces [leur permettant] de gagner du temps en étant sur place, mais surtout de s’y retrouver au niveau de la qualité et des relations avec la Criée ». Puis est apparue la nécessité d’un atelier de transformation – ce qui va s’avérer compatible avec les intérêts de Croix Rouge Insertion.

L’association Croix Rouge Insertion a été créée en 2011. Pour développer cette filiale, Croix Rouge insertion a d’abord entrepris de reprendre des structures en insertion à la barre du tribunal. Ce qui a été le cas pour Capdife. Capdife qui, depuis 2013, développent deux activités principales : le maraîchage bio et la gestion des espaces naturels/verts. L’action de Capdife repose sur trois piliers qui entrent chacun en écho :

– Une activité salariée : il s’agit de montrer au personnes accompagnées que le contrat de travail est un lien essentiel avec la société, avec une affirmation forte de ce rôle du contrat qui implique des droits et suppose des devoirs :
– Une activité de production bien calibrée et crédible économiquement ;
– La formation : c’est déterminant pour un projet professionnel, et même plus largement.

CRI considère aujourd’hui qu’il est important de réfléchir à la diversification de ses activités. Au départ, des paniers de fruits et légumes étaient commercialisés, dans le style AMAP. Dans une logique de diversification, CRI s’est intéressé aux produits protéinés et aux protéines animales, qu’ils n’avaient pas dans leur offre – ce qui ouvre un axe de compatibilité avec la Criée.

Ensemble, face à des objectifs complémentaires – le développement d’un atelier de transformation d’une part ; la commercialisation des protéines animales de l’autre, et la volonté conjointe d’agir sur le territoire pour redistribuer des richesses, agir sur l’emploi et mieux valoriser les ressources halieutiques, la Criée du Grau d’Agde et Croix Rouge Insertion ont décidé de créer la JVS Terre et Mer.

Il s’agit d’une SAS dont le capital est détenu à 50% par CRI et 50% par la Criée. La société a été créée en août 2018, les permanents ont été recrutés en janvier/février 2019, et la production a démarré en avril 2019. Aujourd’hui, Terre et Mer rassemble 2 salariés permanents et 4 salariés en parcours d’insertion sur l’activité de transformation. Aurélie Dessein en est la DG, Bertrand Munich le DGA ; le Président vient de CRI et le Vice-Président de la Criée – positions qui seront inversées dans quelques années avec la montée en puissance de la transformation et la valorisation des produits de la terre – seconde activité de la SAS. Enfin, le conseil d’administration compte 6 administrateurs, répartis de façon égale entre les deux cofondateurs.

Un engagement social et territorial

La JVS Terre et Mer porte un fort engagement social et territorial. Tout d’abord, évidemment en tant que structure portant l’agrément Entreprise d’Insertion (EI), elle met en œuvre une mission d’insertion sociale et professionnelle. C’est une mission qui prend encore plus de sens dans le département de l’Hérault, où le niveau de précarité atteint 30% et le taux de chômage dépasse les 20% sur certains territoires.

Terre et Mer se positionne comme un véritable acteur du territoire. D’ailleurs, cette co-construction a été permise par un fort maillage local, avec un soutien de l’incubateur de SupAgro, France Active, l’agglomération Hérault Méditerranée, le département de l’Hérault, la région Occitanie (qui se fait également le relai des aides européennes) et l’Etat (via la Direccte et la DRAAF). Les activités économiques portent cet ancrage territorial, en soutenant l’économie locale et en préservant les ressources halieutiques.

Le développement de la JVS Terre et Mer répond également à une autre ambition commune à La Criée et à CRI : la promotion des métiers de la mer. En effet, ces métiers souffrent aujourd’hui d’un manque d’attractivité, ce qui génère de réelles pénuries d’emploi dans le secteur.

Permettre à des personnes éloignées de l’emploi de se former à ces métiers est donc aussi un moyen complémentaire pour répondre à cet enjeu de taille pour le milieu.

L’activité socio-économique de la JVS au service du territoire

Terre et Mer met en œuvre, dans un premier temps, une activité de transformation des produits de la mer. Cette activité économique est territorialisée : il est question ici de valoriser les espèces mal vendues en fonction des périodes.

L’optique est celle du circuit court, aussi bien dans l’espace géographique que dans le temps. Cette logique de circuit court est indispensable pour les fondateurs. Aurélie Dessein prend l’exemple des ailes de raie pelées : elles sont généralement pêchées en Atlantique, transformées en Chine, avant d’être ramenées en France. Pour elle, « il faut développer une autre économie sur le territoire ».

Pour cela, Terre et Mer propose des produits transformés frais et surgelés, avec une spécificité : on ne travaille que du poisson sauvage. Le poisson transformé est issu de marées courtes, d’environ douze heures –les pêcheurs quittent le port vers 3h du matin et reviennent autour de 15h en général, et ce poisson est issu d’une petite zone de pêche. Terre et Mer commande le poisson à un acheteur de la Criée, acheteur qui a pour consigne d’acheter certaines espèces de poisson à un prix minimum, garantissant une juste rémunération aux pêcheurs.

Une fois le poisson acheté, il est transformé dans l’atelier entre 7h et 14h –brochettes, carpaccio, tartare, etc., pour être généralement livré le lendemain sinon le jour d’après. Il est donc vendu extra-frais. Preuve (rare) de cet engagement de qualité : l’étiquette affiche la date de pêche et la date d’emballage, ce qui permet de vérifier la quasi simultanéité du procédé !

A suivre : le développement du volet « Terre » de la Joint-Venture Sociale !

 

L’équipe SocialCOBizz

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