La coopération comme levier de transition d’un territoire : zoom sur Kèpos

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Kèpos (« jardin », en grec ancien) est un projet né en 2017 en Meurthe-et-Moselle et qui regroupe des structures et des indépendants œuvrant en faveur de la transition écologique du territoire. Rencontre avec son initiateur et coordonnateur, Emmanuel Paul.

 

Comment est né Kèpos et qui sont vos membres ?

Le projet est né de la conjonction d’un questionnement, de rencontres et d’une prise de conscience.

Tout d’abord, à titre personnel, je m’interrogeais sur mon souhait de poursuivre mon parcours professionnel en tant que salarié ou bien en tant qu’entrepreneur. Cela a coïncidé avec une prise de conscience concernant la question écologique et avec une volonté de m’engager sur ce sujet. Enfin, j’ai rencontré à ce moment-là une série d’entrepreneurs un peu isolés et dont l’activité contribuait à répondre aux enjeux écologiques, et j’ai commencé à réfléchir à la manière de les rassembler, ayant beaucoup travaillé sur les logiques de clusters d’activités par le passé. Kèpos est né sur ces bases.

Aujourd’hui, Kèpos, c’est un écosystème d’activités, avec une vingtaine de TPE (SARL, SAS, associations, indépendants etc.) engagées pour la transition écologique, avec des métiers et marchés différents et complémentaires : commerce, industrie, artisanat, services.

Kèpos, c’est aussi une structure et une équipe à part entière (4 personnes – 2,6 ETP) qui déploie une offre d’accompagnement et de formation, principalement au service de ses membres.

 

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vos activités ?

Notre mission principale est d’accompagner nos membres dans le franchissement de seuils au fil de leur croissance.

Cela passe par un suivi individuel, par un chargé d’accompagnement, et par une offre de services complémentaires : appui au montage de dossiers dans le cadre d’appels d’offres, conseil en organisation, appui à la recherche de financements etc.

Cela passe aussi par un accompagnement collectif (qui participe également à souder le collectif et à créer un sentiment d’appartenance à Kèpos) : nous nous retrouvons une fois par mois pour échanger concernant les projets communs et articulations des membres, mais aussi pour un temps d’inspiration, avec l’intervention d’une personnalité externe. Nous mettons également en œuvre des actions de formation pour nos membres.

Enfin, nous structurons également les logiques collectives, entre les membres : ingénierie de projets de coopération, appui à la constitution des collectifs, appui au montage d’offres etc. Nous sommes aussi une plateforme de mutualisation de ressources pour eux : système d’information en open source, achats groupés (ce qui permet d’accéder à des fournisseurs plus verts, à coûts et délais optimisés). Notre prochaine étape ? Nous installer dans un lieu partagé.

Outre l’accompagnement et les services aux membres, nous portons un ensemble de projets et d’activités tournés vers l’externe. Nous animons, avec France Active Lorraine, un dispositif de génération de projets, La Serre à projets, axé sur le thème de la transition écologique. Par ailleurs, nous avons une activité d’accompagnement dédié à l’externe, l’Atelier de la transition, plutôt à l’attention de collectivités, d’associations ou d’entreprises matures, pour les engager dans un processus de transformation vers des modèles plus durables.

 

Justement, comment travaillez-vous concrètement à la transition de votre territoire ? Quels sont vos leviers ?

Cela passe d’abord par le changement d’échelle de nos membres, d’où nos axes d’accompagnement individuel. Mais cela passe aussi par la structuration des outils d’intervention communs de l’Atelier de la Transition : des contenus de formation et de sensibilisation (avec toute la diversité des métiers et secteurs que nous sommes capables d’adresser) et une offre commune et articulée.

Enfin, cela passe par la qualité des coopérations que nous contribuons à structurer. Nous avons quelques axes de progression à ce sujet et une question fil rouge.

Pour le premier point, si nous arrivons à mobiliser les grands groupes, nous ne touchons que peu les PME de proximité, dont la sensibilité aux questions écologiques est pour l’instant moindre. C’est un point sur lequel nous souhaitons avancer.

Concernant notre question fil rouge, il s’agit d’être conscient de notre relation aux acteurs publics, qui peut prendre plusieurs formes : commerciale, de délégation ou de relais de politiques publiques, voire d’actionnariat. La posture et le positionnement ne sont pas les mêmes mais il est intéressant de travailler tous ces types de partenariat à la fois.

Ce sont tous ces axes conjugués qui contribueront à créer l’effet de bascule nécessaire à la transition.

 

La gouvernance joue-t-elle un rôle dans cette dynamique de coopération ?

Tout à fait, Kèpos est une SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif), dont l’organe principal de gouvernance est composé de collèges représentant les différentes parties prenantes du projet : les salariés, les bénéficiaires (c’est-à-dire, les membres de Kèpos, qui disposent de la majorité relative, soit 46% des droits de vote), mais aussi les personnes physiques qui nous soutiennent, les personnes morales qui nous soutiennent, ainsi que les collectivités du territoire. En tout, Kèpos regroupe 59 associés – coopérateurs.

C’est donc un outil qui nous permet de sécuriser l’engagement des parties prenantes dans le temps et de faciliter l’articulation de nos partenaires collectivités sur notre projet, en lien avec leurs périmètres de compétences respectifs (la politique d’économie sociale et solidaire, pour le département, le développement économique, pour la région, notamment).

Après, avec l’ensemble de nos membres, il y a des leviers d’implication plus informels (comme la réunion mensuelle). Certains sont plus contributeurs que d’autres (notamment les représentants au sein de l’assemblée coopérative), car il ne faut pas oublier qu’ils ont leurs structures à faire tourner. C’est pour cela que l’équipe des salariés permanents de Kèpos est là, pour piloter et animer les projets transverses.

 

Quelles sont les difficultés que vous avez pu connaître et vos défis actuels ?

Notre principale difficulté était due au caractère innovant de notre modèle : il a fallu convaincre progressivement nos partenaires, tout en continuant à affiner notre projet.

Nous avons par ailleurs un point de vigilance économique : notre modèle repose principalement sur les contributions de nos membres (cotisations, ventes de prestations), dont l’activité peut connaître des fluctuations et dont l’équilibre économique peut lui-même être fragilisé. Cela nous demande donc un effort de pilotage et d’anticipation particuliers.

Notre enjeu, comme je vous le disais, c’est de toucher davantage le secteur privé lucratif pour les impliquer en tant que clients, donneurs d’ordre, voire comme soutiens et les faire donc entrer dans la dynamique de transition. Ce n’est pas toujours facile et nous n’arrivons pas toujours à les faire sortir de leur zone de confort. Les réseaux d’entreprises ont un vrai rôle d’effet levier à jouer là-dedans !

 

Pour finir, quel conseil donneriez-vous à un / des porteur(s) souhaitant initier une dynamique de coopération territoriale ?

Ayez toujours comme « boussole » la résilience du projet : c’est-à-dire, la manière dont les éléments de l’écosystème que vous êtes en train de créer sont connectés les uns aux autres, en veillant à la force et à la diversité de ces connexions, ou encore à l’imbrication des activités développées entre elles pour qu’elles soient plus résilientes. Et bien sûr, assurez-vous de partager avec votre collectif une vision et une ambition communes !

 

Pour en savoir plus :

https://www.kepos.fr/
https://www.laserre.org/
https://www.transition-ecologique.org/

 

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