Les collaborations entre organisations à but lucratif et à but non lucratif : lecture d’un article de Philippe Semenowicz

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Philippe Semenowicz, agrégé et docteur en sciences économiques et sociales et enseignant-chercheur à l’Université Paris Est Créteil, travaille sur l’économie sociale et solidaire. Un de ses axes de recherche porte sur les collaborations entre organisations à but lucratif et sans but lucratif. En 2014, il publie un article important pour qui s’intéresse à ce sujet : « Collaborer avec le secteur lucratif ». Traçant les principales difficultés rencontrées dans les collaboration, voici ce qu’il nous apprend.

P. Semenowicz résume ainsi son argument : « Sous l’effet conjoint de la responsabilité sociale des entreprises et de l’entrepreneuriat social, les collaborations entre organisations à but lucratif et organisations sans but lucratif sont aujourd’hui fréquemment présentées comme fructueuses pour les deux parties : d’une part, elles seraient susceptibles d’accompagner les entreprises vers une meilleure prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux et, d’autre part, elles offriraient au secteur sans but lucratif de nouvelles opportunités pour accomplir ses missions. Face à ces attentes élevées, il est intéressant de tirer les enseignements de la littérature qui s’est développée sur le sujet depuis une quinzaine d’années, principalement dans le monde anglo-saxon. Le bilan de ces travaux se révèle mitigé : si ce type de collaborations apparaît potentiellement prometteur, leur mise en oeuvre est particulièrement délicate. »

Pour soutenir ce raisonnement, il part de la distinction proposée par Forgues et collègues entre les approches qui s’intéresse aux raisons à l’origine des collaborations (fonctionnalistes) et celles attentives aux forces à l’œuvre parfois contradictoires (dialectiques).

L’enseignement tiré des approches fonctionnalistes montre que les collaborations sont alternativement considérées comme un moyen de réduire des coûts de transaction et de production, d’accéder à des ressources, de résoudre des problèmes trop complexes pour être traités seul. Plusieurs types de ressources peuvent être mobilisées selon différent niveaux d’imbrication ou de rapprochement entre les partenaires. En effet, dans les mots des chercheurs James Austin et Maria Seitanidi, les collaborations peuvent relever d’une logique philanthropique, transactionnelle (comme pour la sous-traitance), intégrative (typiquement le cas d’une joint-venture sociale) voire transformative (le cas où une joint-venture sociale propose une alternative forte et initie un changement social structurel).

L’enseignement tiré des approches dialectiques révèle les difficultés à maintenir une collaboration dans la durée. Reprenant les travaux du chercheur Berger et de ses collègues, Semenowicz rappelle six types de difficultés :
– Incompréhension mutuelle quant aux objectifs et aux contraintes du partenaire
– Difficulté à évalue la valeur sociale créée par l’alliance et donc sous-estimation de celle-ci
– Déséquilibre dans la répartition du pouvoir entre les partenaires
– Mauvais choix de partenaire
– Epuisement de la collaboration au fil du temps sous l’effet de la lassitude
– Défiance

Semenowicz montre que de ces difficultés, deux principaux risques sont à craindre en conséquence.

Le premier concerne la possibilité de compromis déséquilibrés qui peut se résoudre par un « compromis politico-économique qui réconcilie le bien-être des marchés avec celui de la communauté », dans les termes des travaux de Di Domenico et collègues, mobilisés par Semenowicz.

Le second risque souligné est celui de la menace d’une perte de légitimité. Ici, la légitimité peut se définir avec Suchman, référence sur le sujet, comme « l’impression partagée que les actions de l’organisation sont désirables, convenables ou appropriées par rapport au système socialement construit de normes, de valeurs ou de croyances sociales ». Cette perte de légitimité peut provenir du fait que l’un des deux partenaires fonctionne comme l’autre, adoptant ses valeurs, ses référentiels et perdant ses valeurs de départ – on parle d’isomorphisme institutionnel. Elle peut également provenir d’une dérive de la mission sociale qui intervient souvent quand le rapport de pouvoir est trop déséquilibré en faveur de l’organisation à but lucratif.

Pour découvrir tout l’article : lien vers l’article

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